Présidentielle Américaine : la fin du "Dark Age"?

 


Comme il fallait s’y attendre, Joe Biden a été investi par le parti démocrate, avec à ses côtés Kamala Harris, pour défier Donald Trump à l'occasion de l’élection présidentielle de novembre. Nous sommes à 75 jours de ce qui par-delà le Covid-19 constitue certainement l’évènement le plus attendu de l’année 2020.

Donald Trump va-t-il rempiler pour quatre ans ou permettre aux Américains  de souffler après un mandat qui restera parmi les plus calamiteux de l’histoire des Etats-Unis. Il y a une bonne probabilité que ce soit le candidat démocrate, donné gagnant dans les sondages avec une confortable avance qui l’emporte mais connaissant Donald Trump, aucune option ne peut être écartée y compris celle d’un coup d’état au nom même de la raison d’Etat. 

On a, malheureusement, de bonnes raisons de craindre que si Joe Biden l'emporte avec un faible écart de voix, l’élection ne soit contestée voire invalidée par les Républicains du fait qu’elle serait selon eux entachée d'irrégulatités. Pour les plus fanatiques de ses partisans, Donald Trump ne peut être battu car sa mission relève moins du choix des électeurs que d’un droit quasi divin. S'il est là, c'est que Dieu l'a voulu. Et il osera tout pour y rester. Reporter la date de l’élection, comme il l'a suggéré, parait toutefois incertain dans la mesure où celui-ci est du ressort de la Chambre des Représentants en majorité démocrate. En réponse, Donald Trump a déjà annoncé la couleur, rejetant par avance le vote par correspondance qu’il considère comme nécessairement frauduleux car favorable au camp démocrate.  

Face à la malhonnêteté viscérale qui caractériserait les démocrates, Donald Trump y oppose l’innocence de l’électeur Républicain, blanc comme neige, qui lui, ne se livre jamais à un quelconque tripatouillage. Il est évidemment bien plus facile à des militants au verbe haut coiffés de la casquette rouge MAGA d'investir un bureau de vote qu'à une jeune femme latino ou à un retraité noir de s'y rendre sans se retrouver sous le regard inquisiteur et les gestes explicites des "hommes du président". Pour Donald Trump, ceux qui le soutiennent sont tous des saints remarquables de probité à l'image de son ex-conseiller Steve Bannon, seuls les amis de Joe Biden sont des menteurs et des gens corrompus. C'est pourquoi, même en cas de défaite, il doit rester le président des Etats Unis car c’est à lui que revient la mission de guider le pays face au chaos démocrate. Il est le seul à pouvoir conserver sa grandeur à l’Amérique, aucun Démocrate ne l’en empêchera, même en passant par les urnes.

Donald Trump a montré qu’il envie surtout les dictateurs, ces pères de la nation qui ont courageusement éliminé tous leurs opposants et peuvent savourer leur popularité en contempler leur portrait affiché à tous les coins de rue. Il aimerait bien, comme eux, être doté d’un pouvoir sans limite, confisquant en toute impunité à son profit les richesses du pays, se présentant comme un sauveur pour son peuple, forgeant la légende dorée qu’aura été son règne lumineux et n'avoir surtout de compte à rendre qu'à Dieu, surtout pas en tout cas à des agents du fisc mesquins qui ne comprennent pas que le fait d’échapper à l’impôt n’est pas une escroquerie mais la preuve du génie.

Donald tout-puissanr contemple sa réussite du haut d’Air Force One. Il se plait à gouverner en despote depuis qu'il banni le mot "démocratie" de son vocabulaire , profitant de Twitter, son arme favorite pour biaiser les contre-pouvoirs mis en place par la Constitution américaine, agissant uniquement pour le bonheur de son peuple. Entendons par peuple, ses partisans, rien de plus. Il a compris qu’il lui suffisait de s’appuyer sur une troupe de supporters radicalisés, prosternés devant leur idole pour faire croire qu'il est apprécié, tout en laissant pour compte une large part du peuple américain, coupable de ne pas lui faire aveuglément allégeance. 

Il règne avec autour de lui sa Cour à ses pieds, acclamé comme un messie et absout d’avance pour ses gaffes, son ignorance et tous ses excès, même si à l’arrivée, l’image qu’il donne de l’Amérique ne fait plus rêver beaucoup de gens. Bizarre d’ailleurs que tous ses courtisans n’aient pas compris que leur champion fait de la politique non pas pour la grandeur du peuple américain mais uniquement pour  celle de la firme Trump. Toute sa diplomatie a été basée sur le business et les avantages que ses propres compagnies pourront en tirer. Les accords signés avec tel ou tel pays ont la plupart du temps pour pendant la signature de juteux contrats au profit de ses luxueux « Resorts » destiné à se faire mousser auprès de ses amis milliardaires. Il n’a jamais été fasciné que par les puissants et le luxe dont ils font étalage. Les dictateurs ont pour lui l’avantage de confondre leurs propres affaires et celles de leur pays, sans contrôle. Imaginez un seul pays aux mains d'un dictateur dans lequel celui-ci serait obligé de dévoiler sa feuille d’impôts, surtout s'il n'en paye pas. Donald Trump n’a que faire des Etats-Unis, c’est son destin qui l’intéresse et avoir été élu Président lui a permis de confondre les deux.

Le constat est pourtant sans équivoque. Après quatre ans de Trumpitude, les Etats-Unis ne sont pas plus avancés qu’avant. Le pays est plus que jamais divisé entre des communautés qui, au mieux, évitent de se croiser. Les gangs de rue font la loi dans les quartiers. Les armes prolifèrent dangereusement avec l’aval du pouvoir lui-même. La crise du Covid a amplifié les fragilités de la société américaine où il vaut assurément mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade. L’économie ne va certes pas très bien mais elle fait illusion grâce notamment aux GAFA toujours plus puissants. Le chômage a diminué, argumentront certains, mais c’est un effet en trompe l’œil car faute de droit du travail, la précarité se situe au même niveau que ce qu’elle était en 2016. La situation serait même devenue critique pour la middle-class dont les revenus ont connu une baisse continue tandis qu’au contraire, les classes supérieures ont profité à plein régime des avantages fiscaux accordés par Donald Trump. 

Quand on parle de président des riches, pas besoin d’aller à Paris, adressez-vous à la Maison Blanche. Le bilan des 4 années de Donald Trump pourrait se résumer ainsi : des riches toujours plus riches et des pauvres toujours plus pauvres. Contrairement à ce qu’avance une cohorte de journalistes français béats devant les formidables résultats de Donald Trump en matière d’emploi, la situation n’était pourtant guère brillante avant la crise du Covid. Dans les états industriels tristement nommés le "Rust Belt" depuis que les usines ont pour la plupart déménagé en Asie, beaucoup ont cru les promesses du candidat Trump lorsqu’il annonçait le retour de la vie d’avant, un condensé de Grant Wood et Norman Rockwell. A l’orée 2020 pourtant, le taux de chômage augmentait toujours et le rêve américain espéré avait fait place à la résignation. Et tout ça, c’était avant le Covid. Non les usines n’ont pas redémarré ; non les mines n’ont pas rouvert ; la vie à Détroit, à Cleveland ou à Pittsburgh continue de s’enliser dans la morosité depuis qu’ont été éteints les derniers spots de la dynamique industrielle qui les caractérisaient. Les activités de services ont pris le relais avec en premier lieu le secteur de la santé, un nouvel Eldorado pour ses acteurs mais un gouffre financier pour tous ceux qui y sont confrontés. Confrontés, c’est le mot juste. La suppression pure et simple de l’Obamacare a certes évité à l’Etat de payer la facture des soins pour les démunis mais n’en a pas pour autant amélioré la santé pour des millions d’Américains qui doivent souvent choisir entre se nourrir et se soigner.

Donald Trump se félicite d’avoir rendu sa grandeur à l’Amérique mais on a désormais compris que l’Amérique à laquelle il fait référence n’est pas les Etats-Unis tels qu’on nous les a enseignés mais juste une abstraction mélangeant le puritanisme hérité de ceux qui au XVIIème siècle choisissaient de pendre les femmes pour se purifier de leur propre lubricité, autant que de ceux qui n’ont eu aucune honte à s’accaparer les terres des Indiens au nom de la mission civilisatrice de l’homme blanc, de tous ceux aussi pour qui les Africains enlevés à leur terre d’origine n’ont jamais été rien d’autre que des animaux de traite, de tous ceux, encore, qui ont préféré dissimuler leur âme dévoyée sous un costume de pénitent faisant passer pour de la morale leur perversion criminelle. Mais comme si cela ne suffisait pas, Donald Trump n’a guère brillé en matière de diplomatie, préférant pactiser avec ses adversaires au mépris de ses alliés. Les Russes l’ont fait élire en 2016 avec le ferme espoir que les Etats-Unis allaient se retirer des grandes régions stratégiques et leur céder la place. Trump l’avait promis, Moscou a misé sur lui, il a gagné et c’est ce qu’ils ont fait.  

La politique de repli engagée par Donald Trump a fait au moins deux heureux
Valdimir Poutine et Xi-Jinping ont choisi Donald Trump pour sceller la fin de l'Occident


 Les officiels de Pékin espèrent à présent le voir réélu pour que soit définitivement scellée la fin des alliances qui lient les Etats-Unis à l’Europe et faire de ce continent son obligé en matière économique. S’il n’en est pas empêché, Donald Trump aura favorisé la mainmise des puissances politiques autoritaires sur ce qu’il reste encore de démocraties dans le monde. Sa nièce Mary Trump l’a qualifié de danger pour les Etats-Unis mais il l’est aussi pour les alliés des Etats-Unis. Que l’on soit Français, Allemand, Italien, Tchèque, Grec ou encore Polonais, l’attitude systématiquement méprisante du Président américain envers des peuples fidèles à l’idéal démocratique tel que défini par les signataires du Traité de l’Atlantique Nord ne passe pas. Que Donald Trump fasse la courbette devant un Kim-Jung Un dont on n’attend vraiment rien tout en dénonçant de façon stérile les accords internationaux signés par ses prédécesseurs n’amuse plus personne. Sa politique à coup de tweets à la fois rédhibitoires, impulsifs, sans juste mesure voire sans conscience n’intéressent plus que sa claque rapprochée de conspirationnistes pour qui tout ce qui n’est pas américain relève de la barbarie.

Alors, qui de Trump ou de Biden va l’emporter. Pour Moscou, il vaudrait mieux que ce soit Trump même si la Russie évitera de trop s’impliquer dans la campagne. Pour la Chine, c'est Trump à 100%. L'Empire du Milieu ne s’est jamais aussi senti aussi libre de faire ce qu’il veut depuis que le milliardaire américain est à Washington. Il vocifère, il menace, il s’étouffe de colère tandis que Xi-Jinping avance ses pions sans relâche. Trump met en place des taxes sur les produits chinois, la Chine suspend ses importations. Et vlan, les agriculteurs américains restent avec leur soja sur les bras. La Chine fait main basse sur Hong-Kong, Trump s’agite, twitte et c’est tout. Pékin se prépare à faire main basse sur Taïwan mais il faut pour les Chinois que Trump soit réélu.

Dans deux mois, ce n’est pas seulement l’avenir des Etats-Unis qui va se jouer mais bien celui du monde. Un chose est sûre, cependant : preuve est faite aujourd’hui que le Kremlin a été directement impliqué dans la victoire de Donald Trump en 2016 et il y a fort à parier que Pékin va cette année manœuvrer pour le faire réélire en novembre. Trump, un agent au service de l’étranger ? Pas du tout, voyons, Donald Trump n’est au service que de lui-même, et c'est peu de le dire.



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