Les Anti-Pass Partout
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| L'Anti-Macronisme fédère les mécontents de tous bords mais, si ce sont les mêmes que ceux qui se sont abstenus aux Régionales, on risque bien de les retrouver dans la rue cinq années de plus. |
« Tout le monde fuyait le vaccinateur, et ceux qui étaient conduits de force auprès de lui ne manquaient pas de se laver à grande eau à l’endroit des piqûres pour éviter ses maléfices. »
(Revue
Scientifique, 1893)
L’hostilité
à la vaccination est aussi ancienne que la vaccination elle-même. Dès le début
du XVIIIème siècle, alors qu’on expérimentait ce qu’on appelait la "variolisation" qui consistait à inoculer une forme atténuée de cette tristement célèbre « petite
vérole » responsable, à elle seule, de la mort près de 80% des Indiens
d’Amérique, déjà des voix s’élevaient, usant d’arguments aussi divers que
variés pour condamner la méthode. Edward Jenner, l’inventeur
historique de la vaccination, eût, lui-même, en son temps, à faire face à une opposition des plus virulentes.
Tout y est passé, des interdits religieux aux théories
scientifiques les plus extravagantes. Cela fait deux siècles que les
anti-vaccin ne désarment pas, ressassant inlassablement les mêmes arguties, toujours les mêmes : le manque de recul sur les effets à long
terme du vaccin, les nombreuses pathologies qui en découleraient avec en prime
la dénonciation d’un complot ourdi par une puissance occulte dont nous serions
les cobayes. Mais qui se cacherait derrière, qui ? lit-on sur des
pancartes.
Le
vaccin est pire que le mal, ne cesse-t-on t’entendre, tel un refrain
défraîchi qui trouve à se régénérer chaque fois que surgit une nouvelle menace
infectieuse de grande ampleur. Rappelons-nous simplement qu'il y a une vingtaine d’années, c'était le vaccin contre l’hépatite B qui développait la sclérose en plaque.
Et
voilà maintenant que chaque samedi, on manifeste pour dénoncer l'incurie des autorités face au Covid. Les mêmes qui, il y un an, s’indignaient
de leur mollesse, intentant même des procès aux ministres, coupables, selon eux, de la mort de milliers d’innocents, s’élèvent à
présent contre le cynisme du gouvernement qui aurait mis à profit la pandémie
pour instaurer une dictature. A entendre la plupart de ceux qui descendent dans la
rue, ils n’ont rien contre les vaccins mais comprennent ceux qui vandalisent les centres de vaccination. Ils n’ont rien, non plus, contre ceux qui se font
vacciner mais les traitent de « collabos ». Ils n’ont surtout rien
contre Pfizer ni contre Moderna mais n'étant plus à une contradiction près, préfèreraient à présent Sanofi, le groupe pharmaceutique qu'ils accusaient il y a peu de tous les vices suite au scandale de la Dépakine.
Il suffit, toutefois, de gratter un peu pour s’apercevoir que les Anti-chose ont tous en commun leur haine de Macron et qu’ils ont trouvé, grâce au Pass Sanitaire, un terrain d’entente providentiel. Au cri de « Liberté », on les voit défiler, brandissant des pancartes explicites ciblant, par routine, le Président de la République, mais se retrouvant aussi, sans même s'en rendre compte, dans une réthorique ambigüe, assimilant leur situation à celles des Juifs durant la Seconde Guerre Mondiale. « Liberté, Liberté » scandent-on dans les cortèges, exhibant une étoile jaune sous la photo d’Emmanuel Macron maquillé en dictateur nazi. Il y a de quoi s’inquiéter sur le révisionnisme rampant de ceux qui infiltrent ces cortèges. Dans le même registre, on les voit aussi porter des drapeaux tricolores marqués d’une Croix de Lorraine dénaturant, au nom de leur cause, le portrait de Jean Moulin. La légitimité dont ils se prévalent par ce biais les autorise, en fait, à avancer sournoisement leurs thèmes complotistes inspirés de la mouvance suprémaciste QAnon. Que faut-il comprendre lorsqu’on lit sur un panneau « Touche pas à nos enfants ». N’est-ce pas là une allusion à ce réseau pédophile mondial aux mains des représentants du système auquel devait s’attaquer Donald Trump s’il n’avait pas été victime d’une gigantesque fraude électorale organisée par ce même réseau. Les complotistes s’en donnent à cœur joie, trouvant un large écho auprès d’un public prêt à relayer leurs thèses les plus invraisemblables tant il lui semble avoir trouvé auprès d’eux une forme de connivence pour ne pas dire de convivialité.
Mais
le plus étonnant provient de l’altruisme paradoxal de cette population, soudain
soucieuse du bien-être de son prochain. Je suis vacciné, dit-l’un mais je ne
veux pas du Pass Sanitaire parce qu’il porte atteinte à la liberté de mon voisin qui refuse le vaccin. Je
ne suis pas un antivax, dit-l’autre mais le Pass Sanitaire constitue une grave atteinte aux libertés collectives. Ce serait un peu comme prendre le train pour Auschwitz, pendant qu'on y est. Une chose est sure, cependant : quand on est anti-Macron,
on est anti-vax, anti-pass et pas loin de devenir anti-sémite. Le détournement
de l’étoile jaune correspond peut-être à un jeu plus ou moins débile mais il
révèle, une fois encore, que face à un ennemi invisible, il faut trouver un
bouc émissaire et l’histoire a malheureusement prouvé que c’était souvent le même.
"Libérons la France", proclament des pancartes. Là encore, la nature du message n’est peut-être pas aussi angélique qu’il y paraît. La libérer de quoi ? De qui ? Et comment ? En faisant une Révolution Nationale ? Libérer la France de Macron et des forces occultes dont il est le représentant? Ces prétendus libérateurs, vraisemblablement des "patriotes" comme on l'était sous le Maréchal semblent s'être trouvés une nouvelle égérie, Cassandre, la prof virée du FN pour ...incompétence, rien que ça. Faudrait-il, alors, mieux comprendre "Libérons la France des Juifs", du fait que le bien mal nommé Dieudonné en personne leur a accordé sa bénédiction. Nous sommes, là, bien loin du Pass.
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| Qui contrôle le monde? La communauté dont on ne doit pas prononcer le nom, vous savez bien Le Covid dans tout ça? Ben oui! Qui? |
En fait, pour une poignée de "ravis de la crèche" qui y croient, c’est toute une armée mexicaine de groupuscules flirtant d’ordinaire avec les extrêmes noir-brun qui s’agglutinent, profitant de l’opportunité d’un mouvement protéiforme pour faire fructifier sa doctrine. Les naïfs sont trop heureux de se retrouver comme, dans leur groupe Facebook, au milieu d'autant de nouveaux amis . Et profitant du cri de « Liberté » qui, on s’en doute, fait l’unanimité, ce sont d’autres idées qui s’instillent dans une indifférence qui si nous n’y prenons garde, risque de se normaliser. Ce n’est pas un hasard si certains croient, légitimes, dans ce contexte, d’aller couvrir de croix gammée la stèle de Simone Veil. Anti-vax, anti-sémite, anti-avortement, une manipulation implacable dont beaucoup de ceux qui battent le pavé les samedis devraient se désolidariser s’ils possédaient un minimum de jugeotte.
Jusqu’où
faudrait-il effectivement être solidaires de ceux qui refusent obstinément de
se faire vacciner. Après tout, quand on s’est à ce point radicalisé, la moindre
des choses serait d’arrêter de se faire plaindre et de prendre ses
responsabilités en assumant ses convictions. A moins que cette solidarité ne
soit que la façade opportune de l’anti-macronisme, qui par-delà toutes les
sensibilités, constitue le vrai cri de ralliement de tous les cortèges. Le Pass
ne serait, de ce fait que l’arbre qui cache la forêt. On cherche à diaboliser
le QR Code comme s’il était le signe d’une dérive orwellienne de la société. C’est
lui attribuer des prétentions qu’il n’a pas.
Ne le répétez pas, ça pourrait me coûter cher mais j’ai
fait l’effort d’être vacciné. La raison ? Mes parents ont tous deux plus
de 90 ans; je ne veux être cas-contact et risquer de pénaliser mes collègues de travail; j’en
ai assez de vivre masqué. J’ai donc mon Pass Sanitaire et mon QR code, comme des dizaines de millions d'autres. En contrepartie, je vais
où je veux, quand je veux, comme si c'est un peu de liberté retrouvée. Pour le
masque, ce n’est pas encore çà, trop de non vaccinés potentiellement contagieux.
Comme quoi, la liberté des uns prévaut sur celles des autres.
En chemin, je vois un homme élever la voix à l’entrée d’un café. Il ne veut pas montrer son Pass et insulte l’employé.
J’arrive. Je sors mon téléphone et présente mon QR Code. Voyant cela, l'homme me lance un regard menaçant. "Collabo, toi aussi tu t'es couché" me fait-il. Je prèfère l'ignorer. Le garçon me fait
signe d’aller m’installer tout en essayant de faire comprendre au récalcitrant
qu’il n’est pas le bienvenu. Il lui demande « Mais ça vous côute quoi d'aller vous faire vacciner ? ». La réponse est cinglante : « Crève
charogne! tu vas voir comment on va te faire la peau sur les réseaux sociaux ». Avec ce genre d'attitude, on n’est malheureusement pas prêts d’en
finir. Combien de temps encore va durer cette triste comédie? Quand on pense qu’ils sont des milliers à défiler dans la rue pour des
gens de cette espèce.
Liberticide,
le Pass Sanitaire ? Dans le train, le contrôleur me demande ma carte d’identité
pour valider mon billet. Au supermarché, la caissière me demande deux pièces d’identité
pour accepter mon paiement par chèque. Même au guichet de ma banque, il faut
que je montre ma carte d’identité pour accéder à mon compte. Jusqu’à la
pharmacie qui me demande ma Carte Vitale. Et le Pass Sanitaire, c’est trop
difficile ?
On
a accusé le gouvernement d’avoir fait preuve d’une trop grande faiblesse au début
de la crise et on lui reproche à présent d’imposer une dictature sanitaire. C’est connu,
les Français ont, par habitude, d’être pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui
est pour, c’est la leur moindre défaut.
250 000 manifestants dans la rue ce samedi, c’est aussi le nombre de gens qui ne passent pas à la télé mais se font vacciner chaque jour dans l’anonymat. Car ce sont les Anti-Pass qui occupent constamment les médias, en images ou dans les débats. A croire qu'ils sont légions. A regarder passer ces hommes et ces femmes sous leurs panneaux ou leurs banderoles, tous bien mis, portant haut les drapeaux bleu-blanc-rouge, une question vient cependant à l’esprit. On les confondrait presque avec les assaillants du Capitole, le 6 janvier, à Washington. A de rares exceptions, exclusivement blancs. Or, les voilà qui se plaignent de discrimination et d’apartheid. A l’instar des symboles de la dernière guerre dont ils se servent allègrement en inversant leur signification, ils veulent se faire passer pour les victimes d’une politique ouvertement raciste à leur égard. On frôle quelque part l’escroquerie. Il y a effectivement un apartheid larvé dans ce pays, depuis bien des années. C’est Manuel Valls lui-même qui avait employé le mot en désignant les quartiers dans lesquels l’administration regroupe les gens issus de l’immigration, en majorité les Maghrébins et les Africains. La carte de la vaccination est, en ce sens, d’une limpidité absolue. Cette population n’est que très faiblement vaccinée alors qu’elle y a totalement droit.
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| Un écriteau en forme d'insulte à tous ceux que Vichy a envoyé à la mort. Et on fait comme si de rien n'était, complices aveugles et sourds d'une histoire prête à recommencer. |
Pourquoi ces gens ne vont-ils presque jamais dans les centres de vaccination? Ils s’en sentent exclus de fait, comme s'ils avaient peur de certains regards, peur de s'y voir mal à l'aise parce que trop visibles parmi des Blancs, maîtres des lieux et dominateurs. On n’est pas en Alabama mais ça pourrait y ressembler. Cela doit sembler étrange à des antivax bien sous tous les rapports mais le fait qu’il existe toute une catégorie de personnes que l’on a communautarisé de force et qui vit de fait dans l’apartheid saute à la figure. Elle est d’ailleurs là, cette réalité ethnique que l’on ne veut jamais voir, en France, sous couvert d’une idéologie républicaine bornée. Ces minorités faussent les statistiques bien plus que les anti-vaccins et continueront de les fausser tant qu’elles se sentiront étrangères au système de santé, non pas qu'elle fuient l'hôpital mais parce que la politique sanitaire pêche à leur égard, par trop "bonne conscience" .
L’apartheid dont seraient victimes les anti-pass est donc moins la résultante de la dictature que mettrait en place le gouvernement qu'un jeu dangereux visant à déformer le sens des mots. Dans ces manifestations si préoccupées par la défense des libertés, il en est cependant une grâce à laquelle tous ceux qui battent le pavé peuvent reprendre tous en choeur leurs slogans, même les plus douteux, c'est la liberté d'expression. C'est à cause d'elle qu'on a voulu tuer Charlie, que Mila a été condamnée à mort par les islamistes, que Macron est brulé en effigie au Pakistan, que les Anti-Pass se déploient tous les samedis. Ils se rebellent contre ce qu'ils pensent être une atteinte à leur liberté mais semblent oublier que la première des libertés est celle qui les autorise justement à défiler dans la rue pour manifester leur désaccord. Dans une vraie dictature, tout le monde est d'accord, c'est ça la différence. Qu'ils se le rappellent.







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