Marseille, la fièvre du 3ème Tour
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La Salle du Conseil Municipal à Marseille |
Marseille n'est jamais un vieux port tranquille, on s'y "engatse" aussi vite qu'on s'y "esgatse". Mais c'est comme cela que la cité rebelle a toujours existé face aux vélléités absolutistes du pouvoir central. Dans cette
ville fortement contrastée, aussi bouillante l’été que glaciale lorsqu’elle est balayée
par le Mistral d’hiver, les esprits sont chauffés à blanc à la veille de l’élection
de son nouveau maire.
Le fameux système PLM qui découpe la ville en secteurs
n’ayant permis à aucune des forces en présence d’obtenir la majorité absolue, celle-ci s’est transformée en un véritable ring politique dans l’attente
du coup de gong final qui désignera samedi le vainqueur.
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| Michèle Rubirola Qui eut parié un Euro sur elle il y a 6 mois ? |
A droite, les Républicains qui, sous le label Une Volonté pour
Marseille, revendiquent à la fois l’héritage de leur mentor octogénaire tout en affichant le
désir de réveiller le ville sous respirateur depuis son dernier mandat de maire. En tête de liste, la présidente de la Métropole d'Aix-Marseille Martine Vassal a fait ses armes dans le 8ème
arrondissement en qualité d'adjointe de Dominique Tian, avant que celui-ci ne passe à la
trappe dans une affaire de blanchiment de fraude fiscale. Tiens ! la
fraude ? C’est justement ce qui a pourri le second tour des municipales avec
cette histoire de fausses procurations dans le 12ème arrondissement. Le temps passe mais en politique, à Marseille, les vieilles recettes demeurent. Comme un parfum de bouillabaisse!
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| De gauche à droite : Guy Teissier, Lionel Royer-Perreaut, Martine Vassal, David Galtier et Valérie Boyer Qui aurait parier 1 Euro sur une défaite il y 6 mois |
Dans les quartiers Nord, le Rassemblement National qui tenait
la Mairie du 13-14 depuis 6 ans a été remercié même s’il conserve une poignée d’élus
susceptibles de faire pencher la balance lors de l’élection du prochain maire, une hypothèse cependant peu vraisemblable. Soulignons au passage que la liste des Républicains menée par David Galtier y a fait chuter la liste Lepéniste au second tour en bonne partie grâce au report des voix de gauche. Imaginons que le Printemps Marseillais se soit maintenu comme l'aurorisait son résultat du 1er tour, Michèle Rubirola aurait pu y avoir des élus et disposer dès le soir du second tour d'une majorité absolue.
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| Samia Ghali L'âme vive des Quartiers Nord |
Etant donné que les élections municipales ont lieu à
Marseille par secteur, comme c’est le cas à Paris et à Lyon, ce sont les conseillers d'arrondissement qui élisent le maire. Lorsqu’une majorité se distingue
clairement, le choix est évident mais lorsque le nombre des élus se
répartit entre plusieurs listes sans qu’aucune n’atteigne les 50%, les tractations
vont bon train pour séduire les petits partis de manière à récupérer leurs voix.
En l’occurrence, parler de tractations est plutôt gentillet
lorsqu’on imagine la guerre des egos et les calculs de marchands de tapis auxquels se
livrent les deux favoris à la succession de Jean-Claude Gaudin.
La situation est donc la suivante :
Le Printemps Marseillais de Michèle Rubirola : 42
sièges
La liste Martine Vassal : 39 sièges
La liste Rassemblement National de Stéphane Ravier : 9
sièges
La liste Samia Ghali : 8 sièges
La liste Bruno Gilles : 3 sièges
Il est nécessaire pour être élu maire de disposer de 101
voix, faites vos jeux!
Martine Vassal a, dès dimanche soir, annoncé la couleur. Elle
y croit toujours dur comme fer et rien ne l’empêchera, selon elle, de revêtir l’écharpe
tricolore tant convoitée. Elle a déjà montré au travers de la campagne que tous
les coups sont permis, l’affaire des procurations de l’EHPAD St Barnabé en
étant l’illustration, mais pas seulement. Sans parler des chocolatines offertes
à l’entrée de bureaux de vote en échange d’un bulletin LR. Elle a même
carrément insulté Yvon Berland de La REM après qu’il se soit maintenu dans le
6-8, l’accusant d’être directement responsable de sa défaite dans un
secteur qu'elle estime être sa chasse gardée. Peut-être ne
parvient-elle toujours pas à comprendre que, bien
que lassés de la politique mollassonne de Jean-Claude Gaudin, bon nombre de Marseillais lui pardonnaient
sa façon de la raconter parce qu’il savait le faire en insistant sur l'accent chantant qui le caractérise, une marque de fabrique inscrite au patrimoine génétique de à sa ville. Or, cette identité appartient de plus en plus au passé et peut-être
que, même dans le quartiers de l'obélisque, le Mistral y joue à présent l'air de dégagisme.
Que ce soit au Rouet, à St Giniez, à Bonneveine ou même à Montredon, l’accent se perd depuis que la jeunesse préfère au "fly" (1/2 51+ 1/2 H2O) de la Civette la Smithwick de chez O’Brady ou la Guinness du Red Lion.
Que ce soit au Rouet, à St Giniez, à Bonneveine ou même à Montredon, l’accent se perd depuis que la jeunesse préfère au "fly" (1/2 51+ 1/2 H2O) de la Civette la Smithwick de chez O’Brady ou la Guinness du Red Lion.
Pour l’emporter, Michèle Rubirola doit compter sur
les voix de Samia Ghali. La sénatrice emblématique des 15-16 fait durer le suspense (ce que l'on comprend après tant d'années d'un combat mené souvent en solitaire) mais son cœur oscille toujours fortement à gauche et il est inenvisageable une seule
seconde que les 7 conseillers qui ont été élus avec elle se rangent du côté des
Républicains.
42 + 8 = 50. Il manquera encore une voix au Printemps Marseillais. Excluons le
Rassemblement National qui pourrait jouer les trouble-fête mais une telle éventualité est plus qu'improbable. Même Martine Vassal n’osera se lancer dans une alliance avec
Stéphane Ravier sans voir imploser sa propre formation.
Reste l’énigme Bruno Gilles. D’après certains, il a déclaré
qu’il n’était pas question une seconde qu’il vote pour Martine Vassal mais qu’il
pourrait, en revanche, se laisser séduire par une autre candidature émanant de son groupe. Ira-t-il jusqu'au bout de sa logique dissidente ou rejoindra-t-il sa famille politique?
Dans ce contexte où trop de nerfs sont à vif, pourquoi ne pas sortir un lapin du chapeau, sait-on jamais. Disons que quelqu'un de préférence assez consensuel, suffisamment discret pour n'avoir avoir pas trop des ennemis serait une bonne
alternative pour les amis de Martine Vassal. Guy Teissier, l'ancien maire des 9-10, aujourd'hui député, a l'expérience lui permettant de tenir ce rôle de joker indisepnsable si LR veut encore y croire. S'il rallie les 3 voix de Bruno Gilles, la droite peut prétendre l'emporter au privilège de l'âge car à 42 voix de part et d'autre, c'est l'aîné des deux postulants qui endosserait l'habit de maire. Rappelons que Guy Tessier a 75 ans tandis que Michèle Rubirola est sa cadette de 12 ans. Si les choses se passent ainsi, l'arbitrage reviendra à Samia Ghali. Pour elle qui ne cache pas ses points d'accord avec la France Insoumise, sa neutralité obstinée risquerait bien de passer pour une trahison auprès de ses anciens compagnons de route. Mais le moins que l'on puisse dire est qu'elle se fait prier. Dernier point et non des moindres, Stéphane Ravier et ses élus du Rassemblement National pourraient très bien jouer la surprise de dernière minute en se ralliant Guy Teissier, connu pour son positionnement d'ordinaire très à droite. De la bouillabaisse, on passerait alors à la tambouille et là, on n'imagine même pas les dégâts. On peut dans ce cas imaginer que Lisette Narducci, élue du 2-3 qui s'est alliée avec Bruno Gilles préfère à l'ultime seconde retrouver sa sensibilité de gauche, voire même, au point d'ébullition où on en est, assister à la candidature surprise d'un troisième larron.
Plus que jamais, le suspense est insoutenable.
Et donc, rendez-vous samedi à l’Hôtel de Ville de Marseille,
salle du conseil.






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