Municipales : les Français se mettent au vert

Hier, la France est passé au vert! Certains diront que
cela vaut mieux que de passer au rouge mais quelle leçon tirer du résultat pour
le moins inattendu des élections municipales. Les Français, tout au moins ceux
des métropoles ont choisi de voter autrement, confirmant ainsi leur volonté d’en
finir une bonne fois pour toutes avec la tambouille de grand-papa.
Reste toutefois
comme leçon de ce second tour que c’est l’abstention la grande victorieuse bien que celle-ci ne soit jamais d’aucun poids sur un scrutin.
La crainte du Covid 19 ?
Un prétexte fallacieux même si ceux qui ont annoncé en mars la fin du temps restent cloitrés chez eux dans l'attente (ou l'espoir, qui sait) de la second vague.
Le fameux « Restez chez vous, sauvez des vies » a laissé des traces
dans les esprits tant il a voulu faire passer pour des assassins en puissance
ceux qui auraient osé transgresser les règles de l’enfermement. La majorité des
électeurs a donc boudé les isoloirs, fuyant surtout ce qui pouvait encore
ressembler au dernier soubresaut du confinement qu’ils avaient enduré pendant
près de trois mois. Hier, c’était du masque que les Français avaient d'abord envie de
se libérer, pouvant enfin goûter après un printemps calamiteux, les joies d’un
premier week-end d’été sans entrave, sous le soleil, au milieu de la verdure,
la vraie cette fois.
Les précautions prises à l’intérieur des bureaux de vote,
soi-disant pour se protéger d’un virus toujours dangereux et insidieux résonnaient
tellement comme le rappel des terribles moments qu’ils venaient de vivre que s’en
tenir le plus éloigné possible ne pouvait être que salutaire en matière de
santé.
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| Gruissan, fini le déconfinement Le Monde d'Avant fait son retour |
Mieux vaut effectivement aller respirer l’air de la campagne
ou humer le vent marin que de se reconfiner, même pour quelques minutes dans
une pièce aménagée en salle d’hôpital. Le grand gagnant du 2ème
tour des Municipales a donc été l’abstention.
Ils ont toutefois été 40% des inscrits à vouloir, malgré le
beau temps, accomplir leur devoir citoyen. Or, à la lecture des résultats, il
apparait que ces quelques courageux ont bien fait comprendre qu’ils ne s’étaient
pas déplacés pour rien. Nous avons effectivement assisté à une seconde vague,
pas celle du virus s’entend, une seconde vague de dégagisme.
Rappelons qu'ils l’ont fait il
y a trois ans en bousculant des lignes séculaires pour porter à l’Elysée un
jeune trublion trans-clivage, prélude à un Nouveau Monde prétendument idyllique.
Ils lui ont accordé la majorité absolue à l’Assemblée Nationale pour donner vie au rêve qu’il avait fait naître en eux. La cruauté du monde des affaires
a eu tôt fait d’étouffer dans l’œuf la romance naissante, à commencer par l’affaire
Benalla. Déçus les rêveurs devenus marcheurs ont vu la vieille politique
reprendre le dessus, rendant au quotidien sa morosité ordinaire. L’interminable
feuilleton des Gilets Jaunes a fini de rompre l’enchantement.
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| Agnès Buzyn, candidate malheureuse à Paris Comment transformer d'un claquement de doigt une machine à gagner en machine à perdre |
Après avoir laminé les Républicains et ridiculisé les
Socialistes à l’occasion des dernières Européennes, les électeurs (je
ne parle pas de ceux qui principe ne votent pas tout en criant à la dictature) ont
voulu cette fois faire dégager la République en Marche, s’estimant d’autant
plus trahis qu’elle leur avait promis des paillettes dans les yeux alors que
tout se révélait pire qu’avant. L'affaire Griveaux-Villani a bien été le détonateur d'un désamour naissant pour La REM, la faisant d'un coup passer pour un parti comme les autres, coupable comme eux de ces petits arrangements entre amis auxquels l'opinion est devenue totalement allergique. Dans mon billet du 10 juillet 2019 titré "Anne Hidalgo, un second mandat assuré - merci qui?" j'annonçais déjà que le choix de Benjamin Griveaux était une formidable erreur pour la Macronie. Gagné. Bien que désapprouvée par deux tiers des Parisiens, Anne Hidalgo a été réélue avec plus de 50% des voix. Même les gens les plus intelligents peuvent aussi se tirer une balle dans le pied.
"En France, il y a Paris mais la France, c'est aussi un pays" comme le rappelle la chanson. Et le pays n'a pas été en reste. A ma gauche les Écologistes et à ma droite le Rassemblement National.
Pour ceux qui avaient voté Macron en 2017, choisir les amis de Marine Le Pen eût
passé pour une apostasie. En revanche, les « gentils » écologistes avaient
tout pour séduire. Qui pouvait effectivement les blâmer de vouloir planter des
arbres et de favoriser le bio ? Les ex-marcheurs ont donc plébiscité les
verts, n’hésitant pas à faire mordre la poussière à ceux qu’ils avaient
triomphalement porté aux responsabilités il y a trois ans.
Mais si cette élection constitue bel et bien un avertissement pour
le pouvoir, ce n'est pas elle qui risque de bouleverser les lignes. La politique à l’échelon
local n’est en rien comparable à ce que peut être l’art de gouverner un pays dans
toute sa complexité. Le temps du Grand Chambardement n'est pas encore venu.
Les électeurs des grandes villes ont donc dit non à la carrière d'élu, non à la rente dont bénéficient depuis toujours les élites locales et
confirmé leur volonté de briser le rythme si bien rodé des alternance
droite-gauche ou gauche-droite. Ils ont amorcé sans prendre de véritable risque
une nouvelle vague du dégagisme se choisissant d’abord de nouvelles têtes.
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| Grégory Doucet, nouveau Maire de Lyon Novice en politique, il a fait sa carrière dans l'Humanitaire Le dégagisme a frappé fort |
Martine Aubry l’a certes échappé belle pour une poignée de
voix mais les héritiers de Gérard Collomb et d’Alain Juppé sont passés à la
trappe. A Marseille, le système Gaudin qui repose depuis 25 ans sur le
clientélisme syndical et les petites féodalités de quartier touche à sa fin.
Enfin ? Conseillée par l’égérie filloniste Valérie Boyer, Martine Vassal, la dauphine de Jean-Claude Gaudin s'est
laissé prendre dans les filets des petites magouilles électorales, oubliant qu’à
l’ère des smartphones et de TikTok, la moindre petite virgule de travers peut vous
pousser sans ménagement vers la sortie. Elle croit encore pouvoir devenir la nouvelle maire de Marseille par le biais de quelque carambouille de dernière minute mais sur le Vieux Port, on veut aussi que ça dégage. Elle n'échappera pas au grand nettoyage à moins d'accepter les voix du Rassemblement National. Ce serait dans ce cas le début d'une descente aux enfers. Osera-t-elle s'y acenturer?
Des grandes villes sont passées au vert. Chapeau les écolos, mais après ? Peu
importe qu'ils mènent la politique qu’ils souhaitent, la qualité
de vie n’en sera nécessairement que meilleure mais parviendront-ils à trouver des solutions à la longue liste des problèmes dont souffrent les municipalités comme les soucis financiers, la sécurité, l’emploi, la délinquance, la
part croissante des religions, la salubrité, la vétusté des quartiers ou la disparition
de l’outil industriel. Les maires sortants s'y sont pour beaucoup cassé les dents. Bon courage aux nouveaux, il leur faudra bien plus d'agilité que n'en nécessite la mise en place de pistes
cyclables, de repas végétariens à la cantine, de création d’espaces arborés et
de production d’énergie verte.
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| Perpignan, les Travaux d'Hercule commencent pour Louis Aliot |
Perpignan semble faire désordre au milieu de cette marée
verte mais là encore, le dégagisme a frappé. Dédouanés par le ralliement de membres
de la REM à la candidature de Louis Aliot, ils ont été nombreux parmi les marcheurs
à préférer l’élu frontiste au Maire sortant dont le laxisme (réel ou supposé) a
provoqué un réel ras-le-bol chez les Perpignanais. Un troisième mandat pour
Jean-Marc Pujol, jamais de la vie ! Faute d’écologiste, les votes se sont donc reportés en majorité sur Louis Aliot.
A y regarder de plus près, cette vague de dégagisme servira immanquablement de laboratoire dans la perspective de la Présidentielle. Selon
qu’ils auront réussi ou échoué dans leur ville respective, les écologistes
auront ou non le vent en poupe, risquant de rebattre totalement les cartes du
jeu politique alors même que les sondages persistent à voir au deuxième tour un
duel Macron-Le Pen. Laissons-les savourer leur victoire sans oublier que sous l’habit
vert se cache parfois une chemise rouge. Les sourires satisfaits d’Olivier Faure
et de Jean-Luc Mélenchon en disent déjà long sur la façon dont ils s’activent pour accrocher leurs wagons à l’écologie en marche.
Alors, à la même heure dans deux ans ! ….et en
attendant « Llarga vida a Perpinyà !»






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